Brigitta Bideault

29 Jan 2014 | Portraits | 0 commentaires

Je me souviens de mon étonnement la première fois que j’ai entendu l’accent de Brigitta. Jusque là, je ne connaissais que le français parlé par les gens de Pompadour, avec ou sans accent. L’accent allemand de Brigitta m’a fasciné. Sa manière de découper les syllabes, de prononcer les sons… Même son rire avait un accent allemand avec son rythme lent et saccadé.

Brigitta est arrivée à Pompadour au début des années 60 avec son mari Guy, jeune officier des haras. Elle s’y sentait aussi paumée et étrangère que ma mère, débarquée de Paris mais habituée aux climats méditerranéens. Cela les a rapprochées, elles sont devenues très amies.

J’étais très proche de Patrick Bideault, son fils, et j’ai passé des centaines de journées, de nuits, de goûters, de vacances avec les Bideault. J’ai plein de souvenirs avec Brigitta, mais ceux qui sont le plus distincts sont liés à la cuisine : je raffolais de la manière dont elle préparait les betteraves (l’entrée qu’elle servait à presque tous les repas) et les pommes de terre sautées (kartoffel, c’est pas une légende).

Pour les betteraves, tout de même, il a fallu un peu de temps. J’ai dû mettre quelques mois à m’habituer à ce goût doucereux, et à celui du persil qu’elle mettait dessus.

Je me souviens aussi de la période de Noël, des décorations à l’allemande qui venaient orner le salon, chez Patrick. Je trouvais ça merveilleux en comparaison des pauvres boules et guirlandes qu’on trouvait en France.

Et je me souviens aussi de la 2CV de Brigitta, dans laquelle elle nous conduisait, à droite et à gauche. L’odeur particulière de la 2cv, fortement marquée par celle de Cuini, leur chien.

Je n’ai pas revu Brigitta depuis quelques années, je sais qu’elle est en contact régulier avec ma mère. Je suis sous le choc la précision des souvenirs sensoriels qui me sont revenus en rédigeant cette fiche. Ceux que j’ai écrits, et ceux que j’ai simplement revécus, comme l’odeur de l’escalier du château qui menait à l’appartement des Bideault, le goût du Nutella que, pendant longtemps, je ne mangeais que chez Brigitta, les parfums qui flottaient dans leur appartement…

Le père de Brigitta vivait à Francfort. Je l’ai vu une fois. En réalité j’ai vu toute la famille mais je ne me souviens que de lui. La première fois que je l’ai vu, il était complètement nu, en train de se baigner dans l’eau glacée du lavoir du château. J’étais médusé de voir ce vieux monsieur parlant une langue que je ne connaissais pas, utilisant le lavoir comme une baignoire.