Juste au dessus de notre maison vivaient les Langrand. Venus du Nord, ils étaient arrivés à Pompadour et étaient rapidement devenus amis avec mes parents. Je passais beaucoup de temps avec leur fille, Patricia, que tout le monde appelait Patoune.

Christine Langrand, la mère, était très douce et très belle. Elle avait des cheveux noirs et longs. Et, dans ma mémoire, des yeux bleus. Mais je n’ai pas une bonne mémoire des couleurs. Elle avait souvent l’air mélancolique.

Michel Langrand, le père, avait une bouille ronde et joviale, des cheveux gris et une barbe. Il avait une voix très particulière que j’ai encore dans l’oreille. Notamment son rire.

Je me souviens d’un soir où je faisais mes devoirs chez eux (lorsque mes parents partaient, j’allais souvent chez les Langrand). J’avais cent lignes à faire, et je ne sais pas pourquoi j’avais adopté cette méthode : écrire mes lignes par petits groupes de lettres. J’avais l’impression d’aller plus vite en écrivant 1oo lignes de  « je » puis 100 lignes de « ne » placés après les « je » , puis à la suite 100 fois « par », 100 fois « le », puis « rai », « plus », « en », « cl », « asse », etc.

Lorsque Christine s’est rendue compte de ma méthode, elle m’a dit que je devais écrire les phrases en entier l’une après l’autre parce que le but de la punition était que j’apprenne la leçon, pas que je recopie bêtement. Elle m’a fait recommencer. Alors que j’avais presque terminé. Je lui en ai voulu pendant des mois. J’ai rarement eu dans mon enfance un tel sentiment d’injustice.

Lorsque les Langrand sont partis de Pompadour, je les ai perdus de vue. Je les ai revus très longtemps après, au mariage de François-Xavier Duny. On devait se recontacter, j’ai essayé d’appeler deux fois mais c’était toujours occupé, je n’ai pas osé recommencer… Je suis également passé un soir à Lille, dans leur maison, de retour d’un voyage en Hollande en compagnie de Peyo et Zabeth, mon oncle et ma tante (Pierre Duny et Elizabeth Duny), en compagnie de Marie-Thérèse Chalvidan. Un voyage qu’on avait fait pour le mariage d’Eric Kuyl.

Je regrette parfois de ne pas les avoir revus. Ils représentent beaucoup de bons souvenirs et d’affection. J’ai appris récemment que Michel était décédé.

Je les ai moins connus, mais Patoune avait deux frères, Mathieu et Thomas. Ma mère est la marraine de Mathieu.