Cela fait longtemps qu’il n’y a plus de boutique à l’emplacement de l’épicerie Brugère. Pourtant je m’en souviens très bien. Elle se trouvait dans la rue qui descend derrière la poste pour rejoindre la place du vieux lavoir. Sur la droite en montant.

C’était une boutique à l’ancienne : un comptoir où restaient les clients, et une vieille dame, madame Brugère je suppose, s’enfonçait dans les rayons pour rapporter l’article demandé. Il y avait de l’alimentation, du jambon à la coupe, des ustensiles de cuisine, des bas, des petits objets. La note était écrite au stylo bille sur un petit carnet à souches. Je ne sais pas pourquoi j’ai gardé l’image très nette des additions tracées sur ce carnet. Peut-être parce que j’étais en train d’apprendre à faire des additions, à l’école.

C’était un capharnaüm. On ne voyait pas le fond de la boutique. Lorsqu’on demandait quelque chose, madame Brugère partait dans les rayons à sa recherche. Elle montait souvent sur son escabeau pour trouver un objet placé en hauteur.

Ma mère allait souvent à l’épicerie Brugère, car c’était plus près de chez nous que les autres magasins du centre de Pompadour. Et aussi parce qu’elle pouvait s’y rendre sans croiser trop de monde. Presque incognito.