Madame Dufour

17 Jan 2014 | Proches | 0 commentaires

Madame Dufour est un peu ma troisième grand-mère. Elle est la grand-mère de mes cousins Manu (Emmanuel Reillier), Stéphanie Reillier et Titi Reillier.

Manu, venait me chercher chez moi. Il se mettait sous ma fenêtre et m’appelait, je descendais à la cave, prenais mon vélo et le retrouvais. Souvent, on allait chez madame Dufour, qu’il appelait Bonne Maman. Mais je n’avais pas besoin de Manu pour venir voir madame Dufour. Elle habitait à quelques maisons de la mienne. Lorsque je faisais mes visites dans le quartier, je passais presque toujours par chez elle.

Ancienne institutrice à l’école de Pompadour, elle avait perdu son mari jeune, et vivait seule dans cette grande maison d’où on pouvait suivre les matches de rugby en s’installant sur le balcon. On y allait lorsqu’un match important avait lieu. Pas tellement pour le rugby, mais plutôt parce qu’elle nous préparait des crêpes aux pommes.

C’est sur ce balcon que je me suis fait piquer, pour la première fois de ma vie, par une abeille. Je me souviens encore de la tête de Manu, paniqué, qui a commencé à crier « Attention ! Un papillon ! Non, un truc… » Il ne trouvait pas le mot. Le temps que je chasse l’abeille, j’étais piqué. Cette scène m’a laissé une forte impression, je ne sais pas pourquoi.

Quelques années plus tard, c’est dans le garage de madame Dufour que j’ai essayé de réparer Hercule, ma mobylette, foutue après qu’un rival l’ait bousillée en pissant dans le Réservoir sur le parking de la Riviera, l’une des deux boîtes de nuit du coin. La réparation n’a pas marché et Hercule est resté de longues années remisé dans le garage.

Madame Dufour a vécu cent ans. Elle est décédée il n’y a pas très longtemps. Elle a conduit sa voiture bien au delà de 80 ans, avant que ses petits-enfants la convainquent de renoncer : elle ne tournait plus la tête lorsqu’elle passait les carrefours. Tous les gens du coin voyaient arriver sa R5 de loin, mais on avait toujours peur qu’un étranger traversant Pompadour tombe sur elle.

Jusqu’au bout, madame Dufour a gardé sa dignité, son sourire, et aussi une bonne partie de son esprit : peu de temps avant sa mort, elle me reconnaissait encore, bien qu’elle me voie plutôt rarement. La dernière fois que je l’ai vue, nous avons déjeuné aux Remparts avec Stéphanie.

J’ai beaucoup de nostalgie et d’affection, à chaque fois que je passe devant la maison de madame Dufour.