Le père Tipy, comme son « nom » l’indique, était curé. A Stan, il était prof de français. Il avait la réputation d’être un excellent prof. En effet, je l’ai eu en terminale et il m’a fait découvrir plein de choses. Les cours de français en terminale, c’était le luxe : le bac français était passé, on était là pour découvrir les auteurs du 20ème siècle si on le souhaitait.

C’est le père Tipy qui m’a fait connaître Gide, Claudel,  Bernanos, Martin du Gard, Mauriac et les écrivains traditionnels français. Il racontait bien, j’étais plutôt curieux, ça s’est bien passé.

Jusqu’au jour où j’ai fait un exposé sur Boris Vian, dont j’étais fan comme tant d’adolescents. J’ai parlé pendant une heure de Vian, lu des extraits, j’étais super content de moi car je réalisais que j’avais réussi à intéresser mes potes. A la fin, le père Tipy a passé 20 minutes à remettre à sa place cet auteur mineur à la vie décousue et aux idées malsaines. J’ai alors compris que derrière l' »intellectuel » se cachait un militant au service de sa foi.

C’est une leçon qui m’a servi depuis. Je n’écoute plus jamais un discours intéressant sans me demander d’où il vient.

A la fin du cours, alors que je rangeais mes affaires, un peu sonné par la violence mielleuse de cette descente en règle et sans savoir si j’étais triste, en colère, humilié ou abattu, Jean-Patrick Thiollet est venu me dire qu’il avait adoré l’exposé et que je lui avais donné envie de lire Vian.