Monsieur et madame Kuyl

19 Mai 2015 | Les gens, Portraits | 0 commentaires

Lorsque j’étais enfant, à Pompadour. Il y avait plein de monde, surtout l’été. Et parmi eux il y avait « les hollandais ». Une famille de néerlandais qui avaient acheté une toute petite maison, et qui venaient passer leurs vacances d’été en Corrèée : les Kuyl.

Il y avait les parents, monsieur et madame Kuyl, puis leurs deux enfants, Eric et Ingrid.

Ils jouaient au tennis, donc ils ont fini par arriver chez moi. Je ne me rendais pas compte à l’époque que mon grand-père avait créé quelque chose d’un peu particulier, avec ce tennis où tout le monde pouvait venir jouer gratuitement, cette écurie avec des chevaux qu’on pouvait monter, ce vieux lavoir qui servait de piscine, et le mini-golf.

Lorsque mes parents étaient arrivés à Pompadour, il leur avait proposé cette maison, située au milieu de toutes ces activités. Et dès que les beaux jours arrivaient, des tas d’inconnus arrivaient, pour « s’inscrire », pour jouer au tennis… J’ai grandi dans un jardin où arrivaient des inconnus.

Bref, les Kuyl sont arrivés un jour, puis ils sont revenus, puis ils sont devenus des amis. Chaque année, ils organisaient une « soirée orange », que je n’aurais manquée pour rien au monde. Au menu : les brochettes d’Eric, des brochettes marinées selon une recette indonésienne rapportée par Eric, qui avait été dans la marine nationale hollandaise. Je pouvais en manger 10, 15, 30, j’aurais pu en manger 100. Je passais mes soirées orange à « faire les brochettes » avec Eric et à en manger une sur deux. Je peux encore, rien qu’en écrivant ces lignes, sentir le goût unique et incroyable des brochettes de la soirée orange, qu’on ne mangeait qu’une fois par an.

Monsieur et madame Kuyl, qui avaient l’âge de mes grands parents, avaient donc une cinquantaine d’années à l’époque. Ils venaient très souvent lorsqu’ils étaient dans la région, et ils étaient d’une patience infinie avec moi. Ils me faisaient jouer au tennis, m’accompagnaient dans mes promenades autour de l’étang. Je ne me lassais pas de leur accent heurté, de leur manière particulière de parler français. Lorsque je savais qu’ils étaient en vacances à Pompadour, je guettais leur arrivée. Je les voyais également ches ma grand-mère, car ils étaient devenus très amis.

Aujourd’hui encore, cinquante ans après, Eric et Ingrid viennent parfois à Pompadour. C’est toujours un plaisir de les voir. Pour les moments exquis qu’on passe avec eux, et pour les souvenirs précieux qu’ils éveillent.