Ce qu’on sait des gens qu’on connaît

15 Jan 2014 | Réflexions | 0 commentaires

On passe une bonne partie de notre temps à parler des gens. Il n’est donc pas étonnant qu’une bonne partie des choses qu’on sait sur les gens qu’on connaît provienne d’une autre source que la personne en question.

Dans les fiches de ce site, j’essaye de me limiter à des souvenirs précis et vécus en compagnie des personnes citées. Je fais très rarement appel à la rumeur ou à des informations rapportées.

Enfin, c’est le principe. Car en réalité il est souvent difficile de se souvenir d’où on tient une information, et même de savoir si on est censé la connaître. Je connais des centaines de personnes qui ont surmonté un cancer, trompé leur conjoint, flirté avec un collègue de bureau, commis un délit, menti à leur patron, dont le père n’est pas le vrai père, qui ne savent pas forcément que je suis au courant et qui, parfois, ne sont pas au courant eux-mêmes de choses que je sais sur elles. Et chacun d’entre nous est dans ce cas.

Ces informations ne s’obtiennent pas par malveillance. Le plus souvent c’est tout naturel : on assiste à une conversation entre deux personnes qui sont au courant, le sujet est abordé lors d’une discussion, un ami commun en parle en toute confiance… Ce qu’on sait des gens qu’on connaît, de presque tous les gens qu’on connaît, est parfois bien plus vaste que ce qu’ils imaginent.

Ce genre de savoir a parfois des conséquences pratiques désagréables : comment parler à des gens d’un de leurs proches mort du Sida, alors qu’ils n’ont jamais voulu dire publiquement de quelle maladie il s’agissait ? Comment demander des nouvelles de quelqu’un dont on sait qu’il est très malade alors qu’on ne sait pas si on est censé le savoir  ?

Le but de ce site n’est pas de recenser toutes ces informations glanées au hasard. Je ne suis pas là pour faire le signalement de toutes les personnes que je connais, mais pour recenser mes souvenirs. Une toute petite partie de ma réalité vécue, et une toute petite partie du portrait que je pourrais faire de chacune des personnes citées, en réalité.

Dès le début de ce blog, j’avais compris que je ne pourrais pas raconter certains souvenirs, pour ne pas risquer d’embarrasser les personnes concernées (ça ne regarde pas les internautes que j’aie embrassé une-telle, ou que je trouve untel incompétent au travail). Et j’avais décidé de faire de cette partie « secrète » un second Fredbook.

Je réalise aujourd’hui que le second Fredbook pourrait être bien plus vaste que je pensais : il pourrait contenir tout ce que je sais des gens sans savoir s’ils en ont conscience. C’est un projet vraiment effrayant.