Je suis censé écrire ces fiches assez vite, avec les idées qui me viennent. Ca ne doit pas traîner; on n’est pas là pour raconter sa vie. Normalement j’y arrive. Mais Gwladys, ça fait trois jours que je bloque. Parce que j’ai l’impression que je l’ai vue grandir, je crois.
Je revois la serveuse débutante, faisant ses premiers pas dans l’univers des cocktails. Elle était un peu timide et réservée, habillée dans ce style qui n’appartient qu’à elle et qui lui donne une classe incroyable (un style qui a un peu évolué, qui n’a fait que s’améliorer).
Rapidement, elle s’est prise de passion. Dès que l’occasion s’est présentée, elle est passée derrière le bar. J’ai vu Carina puis Mika, et aussi Romain l’adopter et la former; j’ai assisté à ses premiers essais. Il faut croire que la partie champenoise de sa famille constitue une hérédité favorable pour devenir barmaid, car elle a été au point très très vite.
Après quelques mois, elle est partie manager le Prescription Cocktail Club. Puis elle est revenue à l’Expérimental. Aujourd’hui c’est elle qui forme les nouveaux barmen. La petite Gwladys qui débutait est devenue une référence en quelques semestres.
Ce qui n’a pas changé, c’est son style inimitable pour shaker : de grands gestes qui partent des coudes, avec la tête penchée en avant et sur le côté. Comme un grand oiseau qui chercherait à s’envoler.
C’est Gwladys qui m’a initié au whisky et au bourbon, qu’auparavant je n’aimais pas. C’est elle qui m’a fait goûter mon premier Black Stone. Hier encore elle était en train de mettre au point un nouveau cocktail; elle n’était pas contente du résultat et pourtant ce qu’elle m’a fait goûter était presque magique (juste un peu aqueux au bout d’un moment, mais je sais qu’elle trouvera la solution).
Mais il y a une vie en dehors de l’Expérimental. Je me souviens de ce concert de Laurent de Wilde où nous sommes allés ensemble, de la leçon qu’elle m’a administrée sur tous les paramètres qui distinguent les bons des mauvais glaçons. Je me souviens aussi de ces petits restaurants qu’on se faisait avant mes mixes, quand elle était au Prescription Cocktail Club. Plus récemment, de sa soirée d’anniversaire chez Artisans et de la fabuleuse fin de soirée au Glass.
Gwladys c’est tout ça et plein d’autres choses. Il fallait bien quelqu’un de sa classe, pour la centième fiche de ce fichu projet.
Notre chanson, c’est Fever. Pas un mix avec Gwladys sans que je passe Fever. C’est une chanson qui a autant de versions que Gwladys a de facettes différentes. Aussi, selon l’humeur, je mets la version qui convient le mieux à la Gwladys du jour :
Celle de Peggy Lee, impeccable et troublante
Celle de Beyonce, excellente et sensuelle
Celle de la Lupe, exubérante et latine
Celle de Dick Annegarn, qui la fait toujours beaucoup rire
Ou bien celle d’Elvis, évidemment. Mais si je ne passe pas la version de Fever par Elvis, alors je passe un autre morceau d’Elvis, forcément. 99% de mes mixes se terminent avec Love me tender, car il n’y a qu’un King.