Je conduis en direction de Paris, la nuit est en train de tomber, le trafic est dense.
Soudain mon chat, Vaporetto, bondit du siège arrière sur mes genoux, puis à mes pieds. Je vois que la file de voitures devant moi ralentit, mais le chat m’empêche d’atteindre la pédale du frein. J’emboutis la voiture devant moi.
Huguette Semblat est à côté de moi. Nous montons à Paris, moi parce que je rentre de vacances, elle parce qu’elle va y passer quelques jours pour le travail. Elle fait partie de l’équipe de Demeures et Châteaux, la revue créée par mes parents.
Un accident sans gravité, de la tôle froissée. Mais je soupçonne qu’elle a eu bien plus peur que moi.
Je connais Huguette depuis toujours, elle a dû me voir avant que je parle. Elle fait partie de mes plus anciens souvenirs, sa voix et sa présence sont tellement familiers que je suis capable de l’imaginer en face de moi. On se construit, on change, on oublie. Mais quand on commence à se rappeler, c’est étonnant de constater à quel point et avec quelle précision les souvenirs enfouis ne demandent qu’à se raviver, pour peu qu’on les convoque.