Le problème avec les Conjour, c’était leur chien. Minuscule mais aggressif. A chaque fois que je passais devant chez eux en vélo, il se mettait à aboyer, et, lorsque le portail était ouvert, il me courait après, toutes dents dehors, essayant de me mordre les mollets.

En descente, ça allait : je descendais à toute vitesse, et je levais les pieds. Il ne pouvait rien contre moi. En montée, c’était une autre histoire. Pour ne pas me faire repérer, j’avais pris l’habitude de monter tout doucement le début de la côte, espérant qu’il ne m’entendrait pas arriver.

Les Conjour habitaient rue du Bois-Vert, dans la petite maison en face de chez les Lachaud. Ils étaient déjà assez âgés, du moins à mes yeux. Mais maintenant que j’approche du demi-siècle, je me dis qu’ils avaient peut-être à l’époque l’âge que j’ai aujourd’hui.

L’été, leur petite fille venait passer ses vacances. Certaines semaines, avec tous les enfants venus passer leurs vacances dans le quartier, on se formait une bande d’une vingtaine de gosses, en liberté dans ce paradis sans voitures.