Monsieur Monteil est un souvenir étrange pour moi. Je me souviens qu’il était important, que ma mère l’aimait bien et ma mamie aussi, qu’il avait une activité liée aux fleurs. Et pourtant il n’était pas fleuriste. Je ne vois pas de boutique.
Si je devais parler de monsieur Monteil sous la torture et donner un maximum de détails, je dirais qu’il était paysagiste, et journaliste. Qu’il écrivait des livres et des articles sur les jardins, les plantes. Mais je ne sais pas d’où viennent ces souvenirs, tellement ils sont flous. Je me souviens qu’il vivait seul. Veuf ? Divorcé ? Jamais marié ? A l’époque, en Corrèze, de toute manière, les trois états étaient des catastrophes.
Je me souviens qu’il était un gentil monsieur aux cheveux blancs avec des plis au coin des yeux. Je me souviens que parfois lorsqu’on passait avec ma mère devant sa maison, on s’arrêtait le saluer et ils discutaient cinq minutes.
Je me souviens aussi que pendant les vacances une petite fille blonde venait séjourner chez lui. Sa nièce ? Sa petite fille ? Je n’en sais rien du tout. Il me semble qu’elle s’appelait Emmanuelle. Elle ne sortait pas beaucoup et il fallait donc aller la voir chez monsieur Monteil si on voulait la voir, puis négocier pour la convaincre de nous suivre, de venir avec la bande d’enfants dont le terrain de jeu s’étendait à tous les jardins des maisons voisines, auxquels il fallait ajouter, le stade, les routes, les prés, le tennis, l’écurie… Bref, le paradis. Moi j’allais toujours essayer de la convaincre de nous rejoindre, parce que j’étais un peu amoureux, une fois par an, ce cette petite fille blonde.
Je ne sais pas du tout ce qu’est devenu monsieur Monteil par la suite, et encore moins Emmanuelle.