Je sais que Zouzou Robert s’appelle Georges, mais je ne connais même plus le prénom de Pépette. Tout le monde les appelle ainsi, depuis toujours. Je n’étais pas né, mais leur histoire est connue de tout Pompadour. Telle qu’on me l’a racontée, ils ont toujours été ensemble, depuis toujours. Inséparables.
Ils sont les parents de Sophie Robert, un amour d’enfance, puis d’adolescence.
Zouzou était électricien. C’est lui qui a installé toute l’électricité dans ma maison. Il m’a dit « laisse-moi faire, je vais faire comme chez moi »… et j’ai bien été obligé de constater que je n’avais pas du tout les mêmes besoins que Zouzou Robert en matière d’électricité… Je pense à lui à chaque fois que je cherche l’interrupteur en haut de l’escalier ou que je ne trouve pas de prise là où il m’en faudrait une.
Pépette tenait une boutique de cadeaux. Celle où on allait dès qu’on avait quelque chose à offrir. Une boutique pas très grande, remplie d’objets divers que j’ai toujours eu peur de casser ou renverser. Lorsque j’étais petit et qu’on allait chez Pépette, je restais prudemment près de l’entrée, osant à peine entrer pour ne pas faire de dégâts. Sauf quand Sophie Robert, sa fille, était là et m’entraînait jouer.
C’est chez Pépette, évidemment, que j’ai fait ma liste de mariage des années plus tard. J’ai encore des placards remplis des objets choisis pour cette liste.
Zouzou et Pépette habitaient au dessus de la boutique, à l’étage de la maison qui ressemblait du coup à un appartement, mais donnait sur un petit jardin en hauteur. Je suis allé des centaines de fois chez les Robert, voir ou chercher Sophie, dîner, entrer simplement pour dire bonjour, faire la fête. Et je les ai vus des centaines de fois ailleurs car ils sont très amis avec mon père, avec ma tante Nanou, parce que Zouzou fréquente souvent les Remparts, parce qu’ils vont à l’hippodrome.
A côté de la boutique de Pépette, il y avait un immense garage où Sophie organisait parfois des fêtes. Un jour, j’étais avec Olivier Villepreux et Zouzou nous a emmenés au fond de ce garage, dans un atelier que nous n’avions jamais vu, et nous a montré une voiture ancienne qu’il avait entièrement retapée, pendant des années. Une Renault d’avant-guerre, si ma mémoire est bonne. La voiture était impeccable et rutilante, l’établi incroyablement fourni en trucs que je n’avais jamais vus avant. Un trésor qui dormait dans ce garage de Pompadour.
Mais la scène qui m’a le plus frappé chez les Robert, c’est le soir où j’ai vu Zouzou se mettre à table et dîner un soir qu’il était invité ailleurs. Explication : il faisait toujours ça à moins de connaître le menu, au cas où il n’aime pas les plats proposés. Il préférait manger deux fois qu’avoir faim toute la soirée.
Une fois à la retraite, Zouzou et Pépette ont souhaité vivre au soleil. Ils venaient de découvrir Saly au Sénégal, qui n’était pas encore le lieu touristique qu’il est devenu. Ils y ont acheté une maison où ils vivaient l’hiver. Ils adoraient cet endroit. Je me souviens de Zouzou racontant sa vie au soleil, son activité de distribution de préservatifs aux jeunes locaux, les combines pour faire venir du camembert de France… Au fil des années, ils ont été imités par un nombre croissant d’habitants de Pompadour : Michel Bayle, Geneviève Jamisse, Patricia Quillivic et d’autres… Et Saly est devenu Saly. Je crois qu’ils ont changé de lieu pour passer leurs hivers. J’aurais adoré aller au moins une fois là-bas, voir comment une communauté de corréziens peut vivre au milieu de l’Afrique. Je me représente ça comme un comble du postmodernisme mondialisé, probablement très gai.
Je croise encore Zouzou et Pépette chaque été à Pompadour, avec un plaisir immense. Il faudra que je demande son prénom à Pépette.