Madame Planade est la dame qui s’occupait de moi, lorsque ma mère a commencé à donner des cours à Brive. C’est elle qui me réveillait le matin et m’envoyait à l’école. Et lorsque mes parents n’étaient pas là, j’allais chez elle.
La chose qui me plaisait le plus dans la maison de madame Planade, c’étaient les longs fils en plastique multicolores qui pendaient de la porte d’entrée, pour empêcher les mouches de voler. Ensuite, c’était la basse-cour, derrière la maison. Chaque jour on allait chercher les oeufs, puis on faisait un tour dans le potager. Si madame Planade n’avait pas existé, je ne saurais probablement pas à quoi ressemble une carotte ou un radis, lorsqu’ils sont en terre.
On ramassait, puis on mangeait. Pour moi, aller cueillir le repas était un rêve. Surtout si le dessert était une crêpe aux pommes. J’aurais fait n’importe quoi pour des crêpes aux pommes de madame Planade.
Mon repas préféré était le repas du midi : monsieur Planade rentrait de l’usine, mettait ses chaussons, on allumait la radio pour écouter le jeu des mille francs, et on déjeunait. Dans la cuisine. Je n’ai jamais vu la salle à manger servir. Monsieur Planade avait l’habitude de taper les bords de son verre sur la table pour faire des rythmes militaires. Des verres Duralex; ceux avec l’âge au fond.
Il y avait aussi un chien, dont le nom m’échappe. Sans lui je me serais ennuyé, chez les Planade, car il n’y avait pas grand chose à faire. Et Alain, le fils de madame Planade, qui vivait à Ayen mais passait de temps en temps voir ses parents.
Longtemps après avoir quitté Pompadour, j’ai gardé l’habitude de passer dire bonjour à madame Planade. Elle me servait un café dans sa cuisine. Il n’y avait plus de fils en plastique qui pendaient sur le seuil, mais la cuisine n’a pas beaucoup changé au fil des ans. Monsieur Planade est décédé il y a une quinzaine d’années. Madame Planade a pris de l’âge, puis a commencé à penser que, en tant que fils du maire, je pouvais demander à mon père d’intervenir pour obtenir des avantages pour sa petite fille. Elle ne me parlait plus que de ça. C’était un peu triste. J’avais envie de lui expliquer que je ne dirai rien à mon père car je n’avais rien à voir avec son boulot de maire et que Pompadour n’est pas une principauté Reillier. Et en même temps pas envie de lui faire de la peine.
La dernière fois que je suis allé chez elle, il y avait le petit cordonnier, en train de boire l’apéritif. Un moment très gai.
J’ignorais que c’était la dernière fois que je les verrais, tous les deux.