Lorsque j’étais enfant, il y avait six ou sept cafés à Pompadour. Leur nombre a diminué, mais pas tant que ça. La principale disparition, c’est celle du café des Sports.
Le café des Sports se trouvait sur la rue principale de Pompadour, celle où se trouvent tous les commerces. Son nom m’a impressionné dès que j’ai su lire. J’imaginais qu’on n’y trouvait que des sportifs. Par la grande fenêtre souvent ouverte, on pouvait voir un billard. J’ai mis longtemps à y entrer, et lorsque j’ai commencé à aller au café, c’était pour jouer au flipper ou au pacman, il n’y avait pas ce genre de jeu au café des Sports.
A une époque, pendant mon adolescence, le café des Sports a pris une aura supplémentaire : il était tenu par un couple dont tout le monde disait qu’il s’agissait d’un souteneur et sa gagneuse. Il faut avouer que les réputations se font vite, à Pompadour. Il faut avouer aussi que leurs looks semblaient faits pour propager la rumeur en question. Je me souviens notamment d’elle, avec sa coiffure en choucroute, décolorée.
A cette époque-là, j’avais compris qu’il n’était pas nécessaire d’être sportif pour aller au café des Sports. Mais j’y passais beaucoup de temps pour une raison très sportive : avec Joël Reyrolle, on s’était pris de passion pour le vélo. On avait un parcours de 15 kilomètres (pour les connaisseurs : Pompadour -> la Mandrie, puis tourner à gauche, retrouver la route de Juillac vers le moulin Rouge, rentrer à Pompadour). C’est un parcours qu’on faisait souvent ensemble, tous les deux ou avec des amis. Mais on aimait aussi se chronométrer. Le parcours partait du carrefour où se trouvait le café des Sports. On s’y installait donc, avec une montre, pour se chronométrer à tour de rôle, pendant des aprés-midi entiers d’épreuves contre la montre.