Madame Houdin était une petite femme toute calme avec des cheveux longs, souvent tressés dans mon souvenir. Elle portait une blouse blanche, puisqu’elle était prof de physique-chimie.
Vraiment pas ma matière forte. J’avais un mal fou à avoir la moyenne dans cette foutue matière, mais les cours de madame Houdin m’intéressaient beaucoup. Enfin…. jusqu’à ce qu’on arrive aux équations ou aux calculs. Je pense que c’est en partie grâce à elle que j’ai un début de culture scientifique et un intérêt pour ces sujets.
Le mystère, pour moi, reste cette incapacité que j’ai eue pendant longtemps, à réussir dans les matières « scientifiques » : j’étais nul en maths (sauf en probabilités), et laborieux en physique et en Sciences nat. Je connaissais mes cours mais me trompais dans les calculs, ou bien je ne parvenais pas à donner une réponse satisfaisante et je ne comprenais pas toujours pourquoi. Plus tard, j’ai eu ma revanche, grâce aux mathématiques qu’on fait en Sciences éco, où j’ai pu retravailler les sujets à la base et devenir bon.
Je suppose que pendant tout ce temps j’ai été victime des discours auto-réalisateurs : « dans la famille, on n’est pas scientifiques ». Personne autour de moi n’avait fait de sciences. Tous des juristes. J’ai donc été naturellement bon en français, en langues, en histoire-géo, et mauvais en sciences. J’ai commencé à me révolter contre cet état de fait en passant des vacances dans la famille de Nicolas Deschamps. Chez lui, c’était l’inverse : on était soit ingénieur, soit chercheur. Soit polytechnicien, soit docteur en sciences. Ou bien les deux si on voulait. A table, on parlait de sciences. On s’expliquait comment fonctionnaient les machines. C’était simple, naturel. Et passionnant pour le spectateur discret que j’étais.
Je pense que si, bien des années plus tard, j’ai compris que moi aussi je pouvais être capable de comprendre ces sujets, c’est parce que des profs comme madame Houdin (et des amis comme Nicolas Deschamps) m’ont fait entrevoir les beautés de ces domaines mystérieux et inconnus.
C’est un beau métier, prof, quand même.