Mon premier coiffeur

26 Sep 2014 | Enigmes, ephémères, perdus de vue | 0 commentaires

C’est à Pompadour que je suis allé chez le coiffeur pour la première fois. Je me souviens précisément de cette découverte : l’odeur des laques, le fauteuil inclinable, le coussin qu’il a fallu mettre dessus pour les miroirs, le frisson au passage de la tondeuse à main. C’était dans le salon qui se trouve en haut de l’allée des marronniers, celui où monsieur Berland, puis les Frécot, ont exercé.

Je revois encore le monsieur qui m’a coiffé ce jour-là. Un petit homme un peu voûté, légèrement obséquieux, avec un front soucieux et une voix douce. Je n’ai jamais su son nom, mais si je devais lui en attribuer un, ça serait « monsieur Debernard ». Peut-être l’ai-je entendu, lorsque mon père l’a salué.

Car je me souviens c’est mon père qui m’a emmené ce jour-là. Un peu plus tôt, il m’avait annoncé qu’on allait me coiffer comme un rugbyman. Ce qui m’intriguait, car j’ignorais comment un rugbyman était censé être coiffé. Mais j’étais concerné, car pour une raison qui m’échappe aujourd’hui, j’étais fan de l’équipe du pays de Galles.
Je me souviens qu’en rentrant à la maison j’ai voulu jouer au rugby pour étrenner ma nouvelle coiffure. Mon père m’a lancé le ballon depuis le balcon, et je l’ai mal reçu. Le bout de mon ongle s’est retourné, mais je l’ai remis tout de suite en place, et il n’y a pas eu de mal. J’ai continué à jouer, légèrement impressionné.  Depuis ce jour-là, j’ai repensé à cette sensation un peu désagréable du bout de l’ongle qui se retourne presque à chaque fois que j’ai dû attraper un ballon.