Roger Theillet était conseiller municipal de mon père. Ils se connaissaient depuis toujours, mais moi je ne l’ai connu qu’assez tard, vers la fin de mon adolescence. Je me souviens de ce jour, un déjeuner un dimanche. On devait goûter le produit de la chasse : lièvres, faisan, cailles… Une hécatombe, cuisinée amoureusement par Marie, la femme de Roger.
Les Theillet habitaient dans une petite maison sur la route à quelques kilomètres de Pompaour, à un carrefour qui porte le nom de « La croix des débats ». Pendant des années, le carrefour a figuré parmi les carrefours les plus fleuris de France, grâce à Marie, qui l’entretenait quotidiennement : bacs, fontaines, rocailles, plantations…
Ce que j’aimais particulièrement, c’était le prè derrière la maison, où vivait un âne. J’ai longtemps rêvé d’avoir un âne.
Les déjeuners chez les Theillet étaient toujours des festins, on y mangeait souvent du gibier, on y parlait de chasse, de politique, il y avait souvent pas mal de monde autour de la table. Une maison où l’homme chassait et la femme cuisinait, ça n’est plus très à la mode, Roger était un patriarche respecté et écouté, et il régnait sur cette maison une douceur et une bonne humeur dont on se souvient.
Roger est décédé il y a quelques années, Marie vit toujours dans sa maison, aux dernières nouvelles. Je ne l’ai pas vue depuis un moment. Je vais moins à Pompadour, ces temps-ci.