Michel était vétérinaire. J’étais encore enfant lorsqu’il s’est installé à Pompadour, avec sa femme Anne-Marie. Ils sont entrés dans le cercle d’amis de mes parents; et Michel jouait au tennis, donc on le voyait assez souvent. Vif, drôle, sympa, nerveux. C’est comme ça que je le décrirais.
Plus tard, je suis devenu ami avec Philo, le fils d’Anne-Marie, je passais beaucoup de temps chez eux. Mon souvenir de cette époque, ce sont tous les repas que je prenais chez les Bayle, où Michel ne restait jamais plus de 5 minutes à table avant de recevoir un coup de fil et de partir à toute vitesse dans sa voiture au coffre rempli de matériel et de médicaments : un velage, une vache prise dans les barbelés, un cheval malade, un chien à piquer… Pour avoir grandi avec un père élu, j’ai connu les contraintes et les dérangements, mais comparé à un vétérinaire, un maire est largement tranquille. Je me demande comment font les vétérinaires qui sont maires… La voiture de Michel a longtemps été la plus rapide de Pompadour, celle qui ne s’arrêtait que rarement aux stops et qui sillonnait le canton d’une ferme à l’autre, d’un animal malade à l’autre. Il y a d’autres vétérinaires à Pompadour, mais je suppose qu’ils conduisaient normalement. Tandis que la voiture de Michel était comme lui : nerveuse.
Lorsqu’il a quitté Anne-Marie, il est resté à Pompadour, et elle a disparu de la circulation, je ne l’ai revue que bien plus tard. Michel est resté dans leur maison, voisine de celle des Villepreux. C’était la période où je passais mon temps avec Olivier Villepreux. On allait souvent jouer sur le tennis de Michel, parfois, on prenait un moment pour discuter avec lui.
Il y a toujours eu un rapport étrange entre Michel et mon père, qui a un peu déteint sur moi : une rivalité politique assez forte, qui se prolongeait sur le terrain de tennis, où mon père battait souvent Michel pourtant plus jeune. Je me souviens des colères de Michel écoeuré par les petites balles molles que mon père prenait plaisir à lui faire, et qu’il détestait. Cette rivalité n’a jamais empêché une certaine sympathie, mais toujours un peu mêlée de distance.
Michel ne vit plus à Pompadour depuis sa retraite; sa grande maison est à vendre depuis des années, elle se dégrade lentement. La dernière fois que je l’ai vu, c’est aux obsèques de Philo, l’an dernier. Il m’a parlé du Sénégal, où je venais de passer un mois. Il possède une maison à Sali où il séjourne une partie de l’Année. Evidemment, le Sénégal dont il m’a parlé ne ressemble pas à celui que j’ai vu.
J’aime beaucoup ses filles, Mélanie et Marie-Justine, que je vois souvent. Leur monde ressemble davantage au mien. Mais ceci est une autre histoire.