La version mâle de la conne bourrée qui vient faire chier le DJ c’est le type qui aurait bien aimé être DJ mais qui préfère ne pas l’être pour venir faire chier ceux qui le sont.
Tu les reconnais de loin. Ils s’approchent, l’air modeste. Certains regardent ton matos avec la moue de celui qui sait ce qu’il est en train d’inspecter.
Après, ils ont plein d’approches différentes.
Le collectionneur : « C’est vachement bien ce que tu passes. Je l’ai en vinyle dans la version remix de trucmuche que j’ai trouvée à LA la dernière fois, il faut absolument que tu la downloades, tu vas délirer ».
Celui-là il pourrait être intéressant dans l’absolu mais tu sais que si tu commences à l’écouter il va juste t’empêcher de te concentrer sur ton mix et te faire à la place une leçon de vinylogie, et moi la vinylogie, au delà de 10 minutes, je fais une indigestion.
L’expert en matos : « Ah ouais t’utilises Traktor ? Mortel mais sans Serato c’est un peu limité je trouve. Et ta table ? T’en es content ? Moi j’ai le modèle deux voies je regrette de pas l’avoir pris 4 voies comme toi. En même temps les effets chez Native je les trouve un peu froids pas toi ? ».
Le seul truc que j’ai envie de dire, généralement, c’est ‘va faire du tuning s’il te plaît’.
L’expert en dancefloor : Ou alors, l’air inquiet. « Ca danse pas beaucoup, tu pourrais passer (ici tu insères un truc au hasard), ça ne rate jamais ».
Celui-la des fois j’ai envie de lui passer son morceau rien que pour qu’il se tape la honte en voyant à quel point ça va rater cette fois.
Le sauveur : (petit air condescendant) : « J’ai des trucs mortels sur mon iPhone. Je te le laisse t’en fais ce que tu veux, tu vas voir ça va mettre le feu. C’est la playlist clubbing« .
Celui-là j’adore son regard offensé quand il revient une heure plus tard et que son iPhone n’a pas bougé d’un millimètre.
Celui qui a une idée fixe: Je vois trop (ici tu insères un truc au hasard), ça s’enchaînerait parfaitement.
Hier, un type qui voulait « J’veux du soleil » après « La fille du coupeur de joints ». Pas absurde dans l’absolu mais c’est pas vers là que je voulais aller et LE DJ C’EST MOI !
Un quart d’heure plus tard « a mon avis, « J’veux du soleil » là ça irait bien tu crois pas ?
Une demi-heure plus tard : « tu l’as passé ou pas, J’veux du soleil ? »
INTRUS : un souvenir qui n’est pas à moi mais ça n’est qu’une question de temps. Alors je le place ici par anticipation.
C’est Nelson d’Araujo qui m’a raconté ce mix qu’il faisait au mariage de Julien Guillevic. Un type venait sans cesse lui suggérer des trucs. Voyant que Nelson n’obtempérait pas il a fini par lui sortir « tu es payé pour passer ce qu’on aime, alors maintenant tu passes ce que je te dis ».
Ca s’est très mal passé je crois.
Un DJ a besoin de se concentrer. Il sait ce qu’il fait. Il n’est pas là pour se faire plaisir (enfin, si c’est un bon DJ). S’il a un casque sur les oreilles c’est parce qu’il est en train de réfléchir au morceau qu’il va passer après. S’il met de la musique lente c’est parce que c’est pas encore l’heure de danser ou que c’est plus l’heure de danser. S’il met un truc qui te plaît pas c’est parce qu’il mixe pour tout le monde dans la salle. Par contre il veut bien que tu lui apportes un verre et que tu lui parles normalement, même de musique, ça n’est pas sale.